L’angelus et le glas

Les cloches des Costes-Gozon ont sonné joyeusement les deux premiers matins de mon séjour aveyronnais. Et puis deux autres, comme si de rien n’était. Parce que tout doit continuer…
Les Costes-Gozon, Aveyron

Les Costes-Gozon, Aveyron

Une maison de campagne, dans un petit village d’Aveyron où “ça sent bon la brebis”. Des amis qui ouvrent leur porte et leur cœur pour nous accueillir. Le voisin, un gentil géant qui nourrit ses brebis et raffole des tripoux. Pas très loin, un forgeron sculpteur qui poursuit la tradition familiale en même temps que ses rêves. Mon lit au “galetas”, avec les cloches de l’église à quelques mètres, soixante et un coups à sept heures le matin… (“tant d’angelus – Ding! – qui résonnent… et si en plus il n’y a personne…”). Une tranche de Roquefort pour clore les repas midi et soir, accompagnée par un verre de Marcillac – ou de Gaillac.

Et une amie qui porte la vie.

J’avais déjà gonflé mes seins
Pour ta p’tite bouche à nourrir
Moi j’étais sûre que t’étais bien
Qu’t’avais pas envie d’partir…

Un autre village de l’Aveyron, au bord du Tar(n). Des maisons médiévales, une boutique de poterie. Une ruelle, une douleur, un cri. De l’eau. Une immense crainte partagée… Très vite une pharmacie, un cabinet de médecin, une échographie. Pour un diagnostic, terrible : “son coeur s’essouffle…”

Et une amie éprouvée par la vie.

J’avais déjà gonflé mon corps
Pour qu’t’aies pas d’mal à grandir
Moi j’étais sûre que t’étais fort
J’t’ai pas entendu mourir…

St Affrique, un hôpital de campagne que des énarques bouffis d’orgueil et de grandeur rêvent de fermer. Une maternité de taille humaine, un personnel disponible et prévenant au possible. Quelques explications, de la confusion, beaucoup d’appréhension… Le début d’une difficile attente. Une nuit. Puis deux. La fin au petit matin, synonyme à la fois de soulagement et de détresse.

Et une amie à qui l’on dit de regarder du côté de la vie.

Moi j’étais sûre que mes enfants
N’auraient ni faim, ni mal, ni froid
Même pas l’temps de crier “maman”
Que j’les aurais eu dans mes bras…

La maternité, un peu plus tard. Des femmes rondes. Des hommes qui font les cent pas à l’extérieur, ou qui apportent des fleurs. Des bébés qui pleurent, bien sûr… Dans la chambre 2, des gestes de tendresse et des mots d’apaisement. Des confidences, quelques sourires. Une présence qui se veut rassurante. Des proches malheureusement si loin… De la souffrance et des larmes, encore.

Et une amie perdue entre la douleur, l’oubli, la mort, la vie.

Je sais même pas si t’as eu peur
J’t’ai laissé tout seul souffrir
Est-ce que c’est parce que j’ai pas d’coeur
Qu’j’t’ai pas entendu mourir…

Ces paroles de Lynda Lemay, si fortes – et si dures !, m’ont rattrapé dès les premières heures d’attente passées dans cette maternité. Où j’ai accompagné la souffrance d’une amie, et partagé cette douleur de femme…

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Lynda Lemay - Pas entendu mourir
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