Pour une justice réparatrice

Apaisement

Apaisement

Et si la justice réparait ? Et si pour éviter la récidive et rétablir la paix dans la communauté, la justice permettait l’apaisement, la réconciliation et la réparation des dommages causés ? C’est la question posée par un article du Figaro (oui, je m’informe aussi sur le site du Figaro), intitulé Quand les victimes tendent la main aux condamnés.

De tribunaux en procès, la justice sanctionne et condamne. Mais dans quelle mesure la sanction ou la condamnation permettent-elles d’apaiser les victimes et de “réparer” les dommages causés ?

François Chenu, 29 ans, a été tué et massacré par un groupe de jeunes néonazis homophobes. A la suite du procès (évoqué dans le film Au-delà de la Haine), ses parents ont écrit aux trois meurtriers de leur fils et entamé une correspondance avec l’un d’entre eux. “Ils nous obligent à faire un bout de chemin nous aussi…”

«Ils (les parents) ont compris qu’après le temps du procès et de la condamnation, vient celui de la reconstruction», explique Yves Charpenel, avocat général à la Cour de cassation, qui, alors procureur général à Reims, soutient la démarche de la famille venue lui demander conseil. «Le but de la justice, c’est l’apaisement, analyse ce haut magistrat. La plupart des auteurs peinent à comprendre qu’ils ont fait du mal, ils se contrefichent de la victime et n’ont du coup pas de frein intérieur. Sans prendre la justice pour le monde de Walt Disney, leur faire prendre conscience de la gravité de leur geste, et de la souffrance d’autrui, c’est diminuer les risques qu’ils récidivent.»

Allégorie de la Justice - Gaetano Gandolfi

Allégorie de la Justice – Gaetano Gandolfi

Stéphane Jacquot est président-fondateur de l’association nationale de la justice réparatrice (et par ailleurs Secrétaire national en charge des Politiques pénitentiaires et des Prisons à l’UMP, argh !). Il milite pour que la justice réparatrice prenne place dans le système judiciaire français.

La justice réparatrice est une conception de la justice orientée vers la réparation des dommages causés par un acte, qu’il soit criminel ou délictuel. La victime (ou sa famille) est au cœur de ce processus  pour que l’auteur prenne conscience de la répercussion de son acte et répare le mal causé, dans la mesure du possible. Au-delà du jugement et de la sanction, la justice réparatrice cherche l’apaisement dans des circonstances dramatiques et apporte une réponse aux incompréhensions qui résultent de l’acte. (source)

Cette forme de justice, basée sur la difficile médiation entre victimes et auteurs peut-elle trouver sa place dans le système judiciaire français, avec un président qui ne cesse de vouloir combattre la récidive ?

En attendant, une forme de justice réparatrice existe déjà en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Belgique, au Canada, en Afrique du Sud et même… au Matobo, un état africain imaginé par Sydney Pollack dans le film L’interprète, avec Nicole Kidman.

“Vengeance is a lazy form of grief”

Quiconque perd un proche veut se venger – même sur Dieu faute de mieux. Mais en Afrique, au Matobo, les Ku croient que la seule façon de guérir d’une peine est de sauver une vie.

Quand quelqu’un est assassiné, l’année du deuil s’achève par un rituel appelé « jugement de la noyade ».

Une fête a lieu toute la nuit. A l’aube, l’assassin est emmené en bateau, et jeté a l’eau, ligoté, pour l’empêcher de nager.

Les parents du mort peuvent alors choisir : le laisser couler, ou bien lui sauver la vie. Les Ku pensent que si les parents laissent l’assassin se noyer, ils seront vengés mais endeuillés à jamais.

Mais s’ils le sauvent – admettant ainsi que la vie est parfois injuste, ce geste balaiera leur chagrin. On se venge pour ne pas affronter sa peine.

Texte énoncé par Nicole Kidman dans L’Interprète de Sydney Pollack (2005)

Crédit images : Apaisement, par Noémie ; Allégorie de la Justice – Gaetano Gandolfi [Public domain], via Wikimedia Commons