Mémé s’est assise avec Mourad et moi à une petite table sur laquelle il y avait des Légos. J’ai commencé à sentir le coup venir quand j’ai vu ma propre grand-mère assembler trois pièces en me disant “tu as vu, c’est super hein ?!…” Je suis resté les bras croisés avec ma mine boudeuse et d’un regard je lui ai fait comprendre que ben non, justement, c’était pas super et que si c’était ça l’école et ben j’aurais mieux fait de rester couché (je peux dire beaucoup de choses avec mon regard). Mémé s’est levé pour partir, alors j’ai agrippé sa robe. Elle m’a fait plein de bisous puis est vite partie ; quand j’ai couru pour la rejoindre dehors, le grand machin m’a stoppé net et je me suis mis à hurler pour qu’il me libère : ça n’a pas trop marché.
Il m’a alors pris la tête pendant dix minutes pour que j’arrête de pleurer, il m’a posé des tas de questions idiotes, il m’a montré des tas de jeux nuls, il m’a présenté plein de gamins débiles avec lesquels il voulait que j’aille jouer ! Mais moi je les aime pas les autres que je lui ai dit, et j’ai vraiment pas envie de les connaître ! Je voulais voir ma mémé, parce que je l’aime trop mémé…
Je me suis calmé un moment, on s’est tous rassemblés pour se présenter et puis on a pris un petit goûter tous ensemble. C’était le meilleur moment de la matinée, mais comme j’avais très vite avalé mes madeleines, je me suis levé. Le grand machin m’a demandé de rester assis, parce que les autres avaient pas fini… Mais je m’ennuyais moi, je trouvais le temps super long ! Du coup je suis sorti de mon silence et je me suis mis à lui dire avec tout l’aplomb de mes trois ans : “Je veux rentrer chez moi, ici c’est pas bien ! On fait quoi là, on joue jamais au ballon ?? Mon frère il a de la chance, il est à la maison et il peut jouer comme il veut !… L’école, l’école, c’est ça l’école ?” Le grand machin a paru un peu étonné, puis il a souri et m’a promis qu’on jouerait au ballon. Moi, je l’ai cru qu’à moitié.
En milieu de matinée, mon frère Mourad est venu me délivrer. En passant la porte je lui ai dit de courir vite pour nous éloigner de cet endroit maudit. A la maison, Mémé m’a dit que je devrais bientôt aller à l’école chaque matin… Je veux pas, moi ! Je les aime pas les autres, ils sont vraiment trop nuls ! Mais le pire de tout, c’est de réaliser que je vais devoir me coltiner le grand machin tous les jours !! Ça, c’est vraiment l’angoisse…
Texte issu des pensées de Walid, librement retranscrit par Cy-real alias “le grand machin”