Bonne année, mon cul
Qu’est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassés d’imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l’inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père Lachaise…
Cet hiver, afin de m’épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j’ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique. Au lieu de dire « Bonjour à tous», j’ai mis « Bonne année, mon cul ». C’est net, c’est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire. (extrait des chroniques de la haine ordinaire – lire le texte complet)
Haute coiffure
J’ai horreur qu’on me tripote la tête en me racontant des conneries dans le dos. J’ai horreur qu’un gominé me chahute le cuir chevelu avec ses grosses papattes embagousées aux ongles éclatants de vulgarité manucurale.
A mort le foot
Le football. Quel sport plus laid, plus balourd et moins gracieux que le football ? Quelle harmonie, quelle élégance l’esthète de base pourrait-il bien découvrir dans les trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron, en ahanant des râles vulgaires de bœufs éteints ?
Quel bâtard en rut de corniaud branlé oserait manifester publiquement sa libido en s’enlaçant frénétiquement comme ils le font par paquets de huit, à grands coups de pattes grasses et mouillées, en ululant des gutturalités à choquer un rocker d’usine ? (extrait des chroniques de la haine ordinaire)
[Aparté : Laurent Gerra n’aime pas le foot non plus… Il le dit dans ce remix mordant de la chanson de Renaud “Mistral gagnant” : Football Gagnant]
Le service militaire
J’ai fait mon service militaire à une époque grandiose où l’on faisait vingt-huit mois. J’en ai gardé une rancœur totale. J’étais déjà misanthrope avant de vivre dans une chambrée, mais quand on a vécu vingt-huit mois au milieu de gens qui font des concours de pets… Déjà qu’on aime pas ses semblables, on les aime encore moins après. (extrait de “La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute”)
Les croque-morts
Écoutez-moi bien, vampires nécrophages de France : abattre des chênes pour en faire des boîtes, guillotiner les fleurs pour en faire des couronnes, faire semblant d’être tristes avec des tronches de faux-cul, bousculer le chagrin des autres en leur exhibant des catalogues cadavériques, gagner sa vie sur la mort de son prochain, c’est un des métiers les moins touchés par le chômage dans notre beau pays.
Mais moi je vous préviens, croque-morts de France : mon cadavre sera piégé. Le premier qui me touche, je lui saute à la gueule. (extrait du manuel de savoir vivre)
L’artiste dégagé
Et… Et si je poussais une longue plainte déchirante pudiquement cachée sous la morsure cinglante de mon humour ravageur ? Encore faudrait-il que je crois en un combat… Ah bien sûr, si j’avais cette hargne mordante des artistes engagés qui osent critiquer Pinochet à moins de dix mille kilomètres de Santiago… Mais je n’ai pas ce courage. Je suis le contraire d’un artiste engagé : je suis un artiste dégagé. Ben, je peux pas être engagé, à part la droite y’a rien au monde que je méprise autant que la gauche !…
Plus sur Desproges ?
En plus des ses bouquins (à lire absolument), deux coffrets CD sont sortis : l’intégrale en 12 CD ou les meilleurs extraits en 3 CD (et même des coffrets DVD depuis…)
Visitez le site officiel de Pierre Desproges, excellentissime aussi bien dans le fond que dans la forme (et même les vidéos de sa chaîne Dailymotion depuis).
Sachez enfin qu’il est enterré au Père Lachaise, et qu’en voyant la petite barrière rouillée qu’il a choisi pour délimiter sa tombe au milieu des grandes sépultures en marbre de ses illustres voisins (dont Chopin), je n’ai pu m’empêcher de sourire… Du Desproges jusqu’au bout !
Petits jeunes gens romantiques, si d’aventure au Père Lachaise vous cherchez Chopin sachez qu’il est très simple à trouver, il est en face de Desproges… (avant-propos de l’Almanach 1988)