Va falloir m’excuser, j’ai tout raté des JO de Beijing, ou presque. J’ai passé sept semaines en Afrique, loin de toute presse et de toute télévision. J’ai bien jeté un œil distrait en passant dans les cybers de temps en temps mais bon… j’étais pas vraiment dedans. Je suis rentré le jour de la cérémonie de clôture. J’ai regardé la rétro pour voir ce que j’avais raté, j’ai fait un tour de la toile pour avoir quelques retours, j’ai regardé tous les résultats et une question continue à me turlupiner : pourquoi le Tibet n’apparaît-il pas dans le tableau des médailles ? Qu’ils n’aient rien gagné en lutte gréco-romaine, je veux bien l’entendre ; mais je me disais qu’avec un peu de soutien, ils avaient leurs chances en lutte sino-tibétaine…
Moi, j’en étais resté à la préparation de l’équipe olympique tibétaine. Oui, elle existe (elle s’appelle Team Tibet), même si la Chine n’a pas voulu en entendre parler lors des sélections… Cette équipe a même participé aux Jeux Tibétains, organisés en mai dernier en Inde à Dharamsala, lieu de résidence du gouvernement tibétain en exil. Ils y ont allumé leur propre torche, pour protester contre l’indécent passage de la flamme olympique au Tibet.
Mais donc apparemment, le Tibet a fini capot cet été. Et c’est la Chine qui a tout raflé. La Chine qui avait promis d'”écraser” la contestation indépendantiste (et ne s’est pas gênée pour le faire pendant que les caméras du monde étaient braquées sur Beijing). La Chine qui accusait le dalaï-lama de vouloir prendre les JO en otage. La Chine qui a emprisonné pour cinq ans le dissident auteur du slogan ultra-contestataire « Nous voulons les droits de l’Homme, pas des jeux Olympiques ». Et les athlètes, me direz-vous ? Ils sont allés bien docilement cueillir leurs médailles (ou des pâquerettes), oubliant même de participer “pour un monde meilleur”. Je veux bien me tromper parce que j’ai forcément loupé des trucs, mais si quelqu’un a vu un athlète lever le moindre petit doigt en signe de contestation (je préfèrerais un poing, mais au point où on en est, un petit doigt me suffirait !), qu’il le signale au plus vite !
La Chine a tenu “ses” jeux d’une main de fer, et le monde entier frappé d’amnésie et de cécité a applaudi à deux mains…
Si l’éclat des médailles chinoises parvient à aveugler le peuple, le pari du pouvoir sera gagné et « personne ne pourra se demander, après la fin des Jeux, pourquoi le gouvernement chinois reste si intransigeant quant aux droits de l’homme ». (Sophie Richardson, de Human Rights Watch)
Halte aux jeux ?
Que les choses soient claires : je suis un passionné de sport et les vrais exploits sportifs continuent à me faire vibrer et rêver. Je veux bien comprendre que des athlètes qui s’entraînent depuis des années et pour qui la compétition représente toute leur vie, soient heureux et fiers de participer aux JO, le plus grand événement sportif du monde ! Les performances du nageur américain Mickael Phelps et du sprinter Jamaïcain Usain Bolt ont d’ailleurs largement contribué à donner un véritable éclat sportif à ces jeux (et une raison de plus de se désintéresser de la question tibétaine, au grand bonheur des organisateurs).
Je me retrouve cependant dans le point de vue d’Albert Jacquard, auteur il y a quelques années d’un petit bouquin intitulé “Halte aux jeux !“. Il parle du triple idéal du sportif (le plaisir, la gratuité, la fraternité) et dénonce la dérive vers une compétition acharnée où les vaincus sont bien plus nombreux que les vainqueurs, et où ne triomphent plus que l’argent et le dopage… bien loin de l’esprit de Coubertin. J’ai retrouvé dans ce petit livre un écho à ma définition de la compétition sportive : “Gagner, mais pas à n’importe quel prix… surtout pas à n’importe quel prix !” (par exemple en renonçant à ses valeurs les plus profondes). C’est un bouquin assez dérangeant pour les passionnés de sport, mais c’est surtout un vrai manifeste humaniste !
Depuis l’attribution des jeux à la Chine, on a beaucoup parlé des “intérêts (économiques) chinois”… Aucune nation n’aura finalement pris le risque de se mettre à dos la puissance économique émergente. Pour les intérêts (humains) tibétains, on repassera.