La semaine dernière en consultant mon portable, j’ai remarqué que j’avais eu un appel en absence de « Tata Odile » ce dimanche 15 février après-midi. C’est sous ce nom-là qu’elle figure encore dans mon répertoire. C’est sous ce nom-là qu’elle signait les mails qu’elle envoyait de temps en temps (“Tata Odile des montagnes”).
Elle avait terminé le dernier mail qu’elle m’avait envoyé (daté du 10 décembre) par cette expression : « Je vous laisse pour ce soir, j’ai fait une apparition, hop, je repars. »
Après avoir rappelé Philou, j’ai fini par comprendre que même si c’était depuis son numéro de téléphone, ce n’était pas Odile qui m’avait pas appelé le 15 février, et qu’elle ne ferait plus d’apparition dans ma boîte mail. Parce qu’elle s’est éclipsée pour de bon.
J’aurais mis une semaine pour comprendre et réaliser, en passant quelques heures à me souvenir aussi… Alors pour ses enfants Denis et Laure, pour ses petits-enfants (Tircis et Amythis), j’ai envie de prendre le temps de raconter quelques-uns des moments forts, vrais, parfois incroyables que j’aurais eu la chance de partager avec cet incroyable petit bout de femme qu’elle était.
Philou a évoqué la première rencontre lors de la cérémonie, je crois que c’est aussi une histoire que Tata aimait beaucoup raconter. Tout commence exactement le 5 octobre 2002, soir de notre arrivée à N’Dangane en voiture au terme d’un périple de 6000 km… J’ai déjà raconté cet épisode dans mon carnet de voyage de l’époque (Chez “Tata” Odile), rédigé un an plus tard à la fin de mon aventure africaine, après mon retour en France.
Mais je constate qu’il manque des choses dans ce texte. D’abord, parce qu’il n’évoque pas tous les amis venus me rendre visite, qui ont fait un détour systématique par le Cormoran et ont été touchés instantanément par la générosité et la personnalité d’Odile. Ni tous ceux qui, de France, ont su qu’une sorte d’ange gardien veillait sur moi…
Tata, c’était la « ceinture de sécurité » qui a rassuré ma maman à moi, tout le temps que j’étais loin. Tous ont été très peinés d’apprendre sa disparition.
Mais ceux-là aussi, j’en ai aussi parlé, puisqu’ils étaient présents dans le texte de la chanson que nous avons interprétée en novembre 2006 pour la fête des 60 ans d’Odile à la montagne…
60 ans de Tata Odile sur l’air de « Foule sentimentale » d’Alain Souchon
Tout commence au Sénégal
N’Dangane pour dernière escale
Un comptoir sous les étoiles
L’accueil d’une grande dame géniale
On arrivait du désert
Tu nous as offert l’couvert
L’apéro, les œufs meulières
Une case et une moustiquaire{Refrain : }
Merci pour tout Tata Odile
Généreuse, indocile
On aime ton rire et tes yeux
Qui brillent
On est de la même famille
Merci pour tout Tata Odile
Tant d’souv’nirs indélébiles
IndélébilesAu début c’était un jeu,
T’avais gagné deux neveux
Et puis Fifou est rentré
Et puis moi je suis resté
T’étais là sans tes enfants
Moi j’étais loin d’mes parents
Et on s’est immédiat’ment
Adoptés mutuell’ment{Refrain}
Au Cormoran quel bonheur
D’être accueillis à toute heure
Pour partager l’apéro
Échanger deux trois bons mots
Un cochon d’lait de Yayem
Pour changer du thiboudienne
Quand y’avait marre du Yassa
Un vrai couscous algérois{Refrain}
La famille a débarqué
Tant d’autres amis sont passés
Pour rencontrer la tata
Qui s’occupait si bien d’toi
Tu nous as tous accueillis
Tu les as tous réjouis
Et au moment de rentrer
Tous ont eu le cœur serré{Refrain}
Du Sénégal à la France
T’avoir rencontrée quelle chance
Du Saloum à la Chartreuse
On veut juste te voir heureuse…
Il manque vraiment encore les références à deux rencontres que j’ai effectuées plus ou moins directement grâce à Odile… toujours au Cormoran :
- Une première bien « réelle » en 2001, lors de mon premier séjour (je logeais au Cormoran), qui allait marquer le début de mon engagement associatif au Sénégal et qui allait changer le cours de ma petite existence : grâce à cette rencontre, un an plus tard, je posais mes valises à N’Dangane pour vivre pendant quelques mois sur le sol d’Afrique l’aventure de ma vie…
- Une seconde plus « virtuelle » (quoi que) en 2003, alors que je squattais sauvagement l’ordinateur du bureau au Cormoran pour échanger des mails, avec celle qui allait devenir la femme qui partage ma vie (réelle) ! Quand on sait à quel point il était difficile de trouver une connection internet à N’Dangane, je peux dire que l’accès permanent dont j’ai bénéficié grâce à Odile a été vraiment décisif…
Alors oui je peux le dire, « Tata » Odile a bouleversé ma vie.
Nous sommes toujours restés en contact depuis son retour en France, de manière irrégulière. Il y en avait toujours l’un des deux pour se rappeler au bon souvenir de l’autre… c’était elle, le plus souvent.
Nous sommes allés ensemble en Ardèche marier deux clowns de 55 et 59 ans, pour les noces d’un couple incroyable croisé quelques mois plus tard au Cormoran. Il n’y avait pas de buffet, chacun devait apporter son pique-nique, Odile avait mis le souk en proposant que chacun pose sur la table ce qu’il avait amené et que tout soit partagé !…
Je me suis retrouvé en Bourgogne pour organiser son déménagement vers l’Isère… Une journée très sympa, je me souviens surtout des bonnes bouteille de blanc qu’elle avait offert aux travailleurs
Elle avait répondu à une invitation chez mes parents, qui étaient tout heureux de rencontrer enfin la tata Odile du Sénégal. Il y avait bien sûr eu la fête à la montagne avec « tous les gens qui comptent », et puis le mariage de Philou en mai dernier.
Je pensais qu’il y aurait toujours une nouvelle occasion pour la revoir et partager… la vie, les rires, les souvenirs… Sa disparition m’attriste profondément. Elle avait encore tellement de bonheurs à vivre avec sa vraie famille, et avec tous ceux qui la connaissaient et l’aimaient.
Odile me manque. Tout ce qu’elle m’a donné me revient et m’accompagne : sa joie, son franc-parler, son rire…
…Une femme extraordinaire.
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