Je n’ai pas vraiment grandi baigné dans la culture théâtre. Je me souviens de quelques rendez-vous du temps de l’enfance : des sorties scolaires au Théâtre des Jeunes Années (notamment “Chante, chante Adriana !” en 1980 et Kikerikiste en 1984), une pièces joué en plein air par les jeunes amis du village (une histoire avec un âne, mère-l’Oye, deux compères… ou quelque chose comme ça…) et puis bien sûr le rendez-vous annuel que nous offraient les zamis (et quelques zinzins et zinezines) st jeannaires, regroupés dans la géniale troupe de théâtre de l’AEP St Jean…
Voilà pour les balbutiements. Rien de plus au cours de mon adolescence si sportive qu’elle a été quelque peu “déculturée” (beaucoup de basket… très peu de lectures et de sorties culturelles).
Faire un malheur, au théâtre, c’est faire tout plein de petits bonheurs. (Coluche)
Je redécouvre l’expression théâtrale en mettant les pieds dans l’animation, à 18 ans. Pour les gosses, me voilà clown, pirate ou père Noël. Une amie m’invite même à participer à des spectacles montés pour enfants malades, personnes âgées ou handicapées au sein de son association {Les moments folie}. Une expérience riche, forte et difficile…
De l’animation à l’enseignement, je poursuis mon apprentissage : je relis Cyrano et je découvre Ruy Blas de Victor Hugo, mais surtout je prends des rendez-vous réguliers avec les salles de spectacle… et les gens de théâtre. Ce sera d’abord le somptueux théâtre des Célestins avec l’extraordinaire Jean-Paul Lucet, découvert dans Barnum et revu dans Là-haut !… Quels souvenirs, j’en avais pris plein les yeux, plein le coeur !
Je décide de m’abonner au théâtre de la Croix-Rousse : j’y rencontre Le Cid (avec des personnages en marionnettes de glace qui fondent au fur et à mesure du spectacle) et son directeur trublion Philippe Faure, vu deux fois en one man show, à une époque où je commençais à rêver de scène…
Inspiré et bouleversé par un spectacle de Michel Boujenah (à la fois drôle et touchant, profond et léger…), je décide de m’envoler à mon tour en montant sur la scène de la salle des fêtes de St Jean de Touslas, un certain 26 avril 2002, pour rejouer L’ange gardien à ma manière…
De l’Afrique où je m’évade, le théâtre me rattrape encore, à Niamey au cours des 2èmes rencontres Théâtrales du Niger, qui ont lieu dans le théâtre en plein air du Centre Culturel Franco-nigérien. Deux spectacles exceptionnels : M’appelle Birahima, une adaptation inspirée du roman d’Amadou Kourouma sur le sort d’un enfant-soldat, Allah n’est pas obligé (avec trois acteurs pour jouer le rôle principal et un quatrième pour jouer le rôle du… dictionnaire), et une adaptation de la tragédie grecque Oedipe ou la controverse avec l’immense Sotigui Kouyaté…
…Un proverbe de la tradition africaine dit : “l’ignorant, c’est la personne qui n’est jamais allée au-delà du seuil de sa maison.” C’est la personne qui ne sait rien des autres, qui n’est jamais allée à la rencontre des autres. La progression de l’être vers le meilleur, c’est chaque jour aller à la rencontre d’une des diverses personnes que l’on a en soi et que l’on ne peut trouver que dans les autres, notamment à travers leurs cultures, histoires, mythes et légendes. Cette voie est celle de l’enrichissement, et je suis un élève apprenti. (Sotigui Kouyaté, griot et homme de théâtre malien)
De retour en France, dans le cadre de l’école, une rencontre forte en 2006 avec les membres de la Fanfare à Mains Nues et le directeur de la compagnie Traction Avant, Marcel Notargiacomo, véritable militant de l’expression artistique et qui appelle à reboiser l’âme humaine…
2008, de scène en scène…
Ces derniers temps, j’avais un peu oublié de prendre rendez-vous avec l’émotion d’une pièce et d’un spectacle vivant, en dehors des concerts… Mais en ce début d’année 2008, le théâtre revient sous de multiples apparences dans ma petite existence. Les scènes se suivent et ne se ressemblent pas !
5 janvier 2008, Théâtre des variétés, Paris
France 2 diffuse en direct à 20h50 la pièce Les fugueuses, avec un duo qui fonctionne formidablement : Muriel Robin et Line Renaud. Beaucoup de rire et d’émotion…
8 janvier 2008, Théâtre National de la Criée, Marseille
Première vraie scène marseillaise dans un lieu mythique (les murs abritaient autrefois l’ancienne criée aux poissons sur le vieux port). Pour un auteur mythique lui aussi : William Shakespeare. On joue Othello. Fabuleux ! J’avais peur de décrocher face à un texte que je craignais trop dense ou trop hermétique… Mais non, scénario limpide, mise en scène efficace, et interprétation magistrale avec un général Othello élégant et sculptural et surtout un Iago fourbe et démoniaque qui porte littéralement la pièce. Grandiose !
28 février 2008, Théâtre du Gymnase, Marseille
Sur la Canebière, rendez-vous avec deux jeunes actrices dans le rôle de deux soeurs qui veillent leur mère dans ses derniers instants. La pièce s’appelle Blanc. Isabelle Carré et Léa Drucker sont touchantes… mais la pièce manque un peu de rythme, surtout vue de mon strapontin, tout en haut, accoudé au troisième balcon !
8 mars 2008, Théâtre de Fos sur Mer
Quelques kilomètres avalés pour passer quelques minutes de bonheur avec l’ami Buffo, le clown créé par l’écrivain et psychologue Howard Buten. Je n’en dis pas plus ici : ce spectacle-là mérite un article à lui tout seul !
Propositions de théâtre
Et puis, en filigrane, d’autres signes en écho, hasards ou coïncidences : Un cycle d’expression corporelle et théâtrale qui s’ouvre avec mes élèves, accompagné par un professionnel. Un billet intitulé écoles de vie dans la Care Box de Lulu, sur l’enseignement de l’art théâtral. Un tract de présentation de matchs d’improvisation théâtrale, organisés par la Ligue d’improvisation Phocéenne. Un autre récupéré à Lyon proposant au travers de stages T’chi clown de “rechercher son identité clownesque” à travers l’improvisation ludique. Une troisième carte présentant des ateliers de théâtre amateur au Théâtre de proposition, aussi énigmatique qu’accrocheuse… Hum hum…
– Le plus dur est d’y aller ; quand tu y seras laisse-toi faire.
– Je ne peux pas… Je ne sais pas m’y prendre.
– Là-bas, ne fais pas d’efforts, ne t’oblige à rien.
– Mais comment ?
– Écoute et regarde.
– Il faut bien faire bonne figure quand même ?!
– Juste, détends-toi.
– C’est agaçant ces formules toutes faites.
– Alors, n’oublie pas de te détendre.
– Je ne connais personne, viens s’il te plaît, il y aura du monde.
– Sois simplement là.
– Ah forcément ! J’y serai comme tous les autres, et puis ?
– Ne compose pas, sois tel que tu es.
– Ce que je suis ? Mais je suis quoi ? Qu’est-ce que je suis ?
– On ne te jugera pas.
– Je ne vais pas savoir quoi dire.
– Ne parle pas.
– Je ne vais pas savoir où me mettre.
– Promène toi.
– Je vais me décomposer.
– Respire.
– Je vais être sur mes gardes.
– Souris.
– Bêtement ?
– Souris à qui tu as envie.
– Parce que tu crois qu’on me répondra ?
– J’en suis certaine.