Sans la place Jemaâ El Fna, Marrakech serait une ville comme les autres. (Paul Bowles)
Place Jemaâ El Fna (Marrakech), 23 avril 2009, 15 heures.
Aux heures les plus chaudes de la journée, la place commence tout juste à s’animer. Sur le pont depuis le petit matin, les vendeurs de jus d’orange et de fruits secs invitent les touristes de passage à venir déguster devant leur roulotte un jus pressé ou quelques amandes.
On croise ici des montreurs de singe ; des porteurs d’eau reconnaissables à leur habit multicolore et à leurs coupelles dorées ; des musiciens qui font tourner le pompon de leur chapeau en jouant des castagnettes ; et les inévitables charmeurs de serpent…
Place Jemaâ El Fna, 17h30.
Vers la fin de l’après-midi, les restaurateurs commencent à investir la place en installant les gargotes à l’endroit qui leur est réservé. C’est aussi l’heure à laquelle les touristes reviennent de leurs excursions et de leurs visites dans les souks pour aller s’installer aux terrasses des cafés qui entourent la place. Le grand balcon du café glacier (d’où ont été prises les photos, au-dessus de la pharmacie de la place) offre à n’en pas douter la meilleure vue.
Sous les petits parasols, les écrivains publics concurrencent les diseuses de bonne aventure. Les groupes folkloriques de danseurs et de musiciens semblent battre le rappel pour annoncer que le service de restauration va bientôt pouvoir commencer…
Place Jemaâ El Fna, 20 heures.
Le soleil est couché. La fumée s’échappe des braseros et des marmites de soupe. Les petites tables et les bancs de bois sont en place… tout comme les rabatteurs chargés de conduire les passants jusqu’aux tables dont ils ont la charge.
Des cercles se sont formés à différents endroits de la place pour écouter les musiciens, les conteurs (en langue arabe exclusivement), ou assister à des saynètes impliquant parfois de tous jeunes acteurs. Cet espace culturel de la place Jemaâ El Fna (“espace magique de sociabilité”) a été classé en 2001 par l’Unesco parmi les chefs-d’oeuvres du patrimoine oral et immatériel de l’humanité.
Place Jemaâ El Fna, 22h30.
Sous les ampoules des gargotes, serveurs et cuisiniers s’affairent. Sur les étals, une tête de mouton semble surveiller les brochettes, les calamars frits, les poulets, les frites et autres salades disposées sur de larges bouquets de persil et de menthe fraiche. Un jeune serveur nous tend la carte en souriant avec insistance. A peine assis, avant même d’avoir commandé, il dépose devant nous un pain rond, deux coupelles de sauce tomate (douce et piquante), des olives. Tout ce qu’on ne refuse pas sera facturé…
Ce sera une pastilla au poulet pour Karine, un bol de soupe harira puis brochettes mix pour moi. C’est relativement bon et pas cher. Les tablées sont internationales (français, espagnols, italiens, anglais…), ça tombe bien les serveurs sont multilingues ! Bon nombre de marocains aussi, surtout le week-end.
Un soir, notre facétieux cuisinier assure le spectacle (dinner and a show) en simulant une conversation téléphonique en anglais, un poivron collé à l’oreille… Le lendemain, je suis invité à me faufiler entre les tables pour aller prendre une photo en cuisine, avant d’aller savourer un peu plus loin un thé aux épices. Aucune soirée n’est ordinaire ici.
La place se videra petit à petit jusqu’à deux heures du matin. Au lever du soleil, les balayeurs et les camions poubelles feront disparaître les traces de la veille. Et la journée recommencera place Jemaâ El Fna…
Super, plein de Cy-real à lire (carnet de voyage….)
Bon et bien je vais faire un tour à Marrakech !
Merci
Quelle atmosphère! et que de souvenirs qui me reviennent.
Merci, infiniment.
J’ai eu d’autres échos de voyageurs, tout récemment, qui ont fini par détester Marrakech au bout de trois jours, à force de sollicitations répétées, y compris par des jeunes qui ne lâchent pas le morceau. Sans compter l’angoisse d’une perte de repères dans le souk, et des heures perdues à pied par des mauvais renseignements de gens qui vous “promènent” sur des kilomètres en espérant grapiller des sous pour leurs services !
Alors non, désolé, je ne partirai pas avec madame, que j’espère entière et calme à l’arrivée.
@ Maupassant : Ah, ces salauds de jeunes pauvres marocains qui passent leur temps à courir après le dirham ! C’est toujours étonnant de voir que des touristes acceptent de laisser un mois de salaire dans un séjour en riad ou en hôtel club, mais craignent de se faire arnaquer d’un ou deux euros par le premier jeune venu (qui en a sûrement plus besoin que le propriétaire du riad…).
La sollicitation fait partie du jeu à Marrakech, elle peut être mal vécue et pesante… Elle peut aussi être source de sympathiques échanges et de belles rencontres, même furtives et pas désintéressées…
Mais je suis bien d’accord avec vous : si on n’a pas envie d’être sollicité et de rencontrer, et si on a peur de se perdre dans les souks, il vaut mieux éviter Marrakech. Quel dommage…
Personnellement, madame est revenue entière, calme et comblée de son séjour…