N’Dangane (Sénégal), dimanche 18 juillet 2010
Quel meilleur endroit pour redécouvrir la lenteur ? Au Sénégal, allongé sur un bout de natte ou bien calé dans une pirogue au milieu des îles du Saloum, je redécouvre ce plaisir avec Kundera…
Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du bon Dieu ne s’ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.
Je regarde dans le rétroviseur : toujours la même voiture qui ne peut me doubler à cause de la circulation en sens inverse. A côté du chauffeur est assise une femme ; pourquoi l’homme ne lui raconte-t-il pas quelque chose de drôle ? Pourquoi ne pose-t-il pas la paume sur son genou ? Au lieu de cela, il maudit l’automobiliste qui, devant lui, ne roule pas assez vite, et la femme ne pense pas non plus à toucher le chauffeur de la main, elle conduit mentalement avec lui et le maudit, elle aussi.
Milan Kundera , La Lenteur, Éditions Gallimard, 1995.