C’était la seconde fois que je mettais les pieds au théâtre de la Cartonnerie, situé à Marseille au coeur de la Friche de la Belle de Mai. La première fois, j’avais assisté à une représentation de Faces, adaptation théâtrale d’un film de John Cassavettes, avec la délicieuse Helena Noguerra. J’avais vécu le spectacle… sur scène, posé comme quelques autres spectacteurs dans un des multiples canapés qui constituaient le décor.
Mais ce soir-là, les canapés ne sont plus là – et Helena Noguerra non plus. A l’entrée du théâtre, un texte me “cueille” et me met dans l’ambiance (je le photographie avec un téléphone pour en garder la trace).
Commence alors le voyage de Pénazar…
Penazar est un personnage dans une grande histoire orientale au treizième siècle. Serviteur du Prince de Gelgel, il est d’une fidélité légendaire.
À la mort de son maître, il quitte son royaume et son époque, il commence un long voyage pour arriver dans une grande ville d’Europe, au vingt et unième siècle.
Il est emporté comme une âme errante, changeant de corps comme on change de trottoir.
Sans cesse il meurt et sans cesse il renaît.
Il se fatigue, il perd la mémoire, il a faim et soif, mais il reste fidèle à son Prince.
Penazar traverse le fleuve de l’humanité. Il traverse la salle des spectateurs comme une boule d’orage, comme un sentiment ou une couleur.
Il nous donne des nouvelles du passé, de l’invisible, du cœur humain.
Il passe comme une comète. Il nous rappelle que l’éternel n’est pas durable et que le monde des légendes cherche à entrer en contact avec nous pour nous dire quelque chose. (François Cervantes)
Mais Pénazar ne voyage pas seul : il nous emmène avec lui, à travers les siècles et les continents. Le personnage déroule pour nous sa longue et difficile existence de serviteur, en apportant continuellement du rire, de l’humanité, et de l’émotion.
Oui c’est vrai, la tristesse et la nostalgie m’ont donné envie de faire le con.
Toi qui n’as pas connu le prince, tu gardes la tête sur les épaules et tu écris sans trembler. Tu collectionnes les faits avec précision, comme des papillons jaunes et bleus. Mais moi j’ai entendu le son de sa voix, j’ai reçu de lui des ordres, des conseils et des compliments, j’ai senti son odeur.
Il me manque comme la sève manque à l’arbre. J’ai été vivant à côté de lui vivant, et depuis qu’il est mort, je suis à moitié mort.
Ma vie ridicule loin de lui a fini par me détraquer le système.
J’ai la tête secouée comme un yo-yo, je zigzague comme un chien sans maître, et je n’ai plus envie de faire les choses correctement.Je suis bien d’accord avec toi, je dis n’importe quoi. Ce que je raconte n’est pas exact mais ma douleur est exacte. Toi qui as tout noté, note aussi mon chagrin.
Et puis finalement, le rideau et le masque tombent. Et derrière Pénazar, derrière cette voix amie, véritable “coup de théâtre”, ce n’est pas un acteur mais une actrice – Catherine Germain – qui se dévoile…
Mais le voyage n’est pas encore terminé : avec la projection du film Le retour de Pénazar à Bali, le metteur en scène François Cervantes nous emmène jusqu’en Indonésie, où sont nés le masque et la légende de Pénazar. A Bali, la troupe a rejoué le voyage de Pénazar avec des comédiens locaux, permettant ainsi aux Indonésiens de se réapproprier “des fragments de leur tradition dispersés en Occident”.
Lorsque les lumières se rallument, dernière étape : François Cervantes et Catherine Germain viennent à la rencontre du public pour un temps d’échange, et prolongent un peu plus un voyage dont je ne suis pas encore totalement revenu à ce jour…
Je suis scotchée !! Pardonnez l’expression !
Je surfais sur le web avec l’envie de trouver un livre…
De clic en clic je tombe sur le nom de Christian Bobin. un auteur dont j’ai lu plusieurs livre, mais surtout celui qui pour moi est le plus lumineux d’entre eux : “la plus que vive”.
J’en relis quelques phrases, et quelques clics plus loin tombe sur votre article de 2002 qui en parle ainsi que du “Zubial” !!
Bobin et Jardin : deux auteurs que j’affectionne particulièrement.
Curieuse, je continue et tombe sur un post intitulé “le voyage de Pénazar” !!
Incroyable, le théâtre dans lequel je travaille a vu passer souvent Catherine(Germain) et François (Cervantes), et ce voyage de Pénazar et un moment de bonheur, mais pas que…
Ils sont lumineux ces deux là !!
Voilà ! Je trouvais étonnant de “trouver” ces similitudes, comme ça, au hasard de mes ballades sur la toile, je n’ai pu m’empècher de vous le faire savoir…
Merci Myriam, pour l’enthousiasme de ce message ! Cela s’appelle la magie du web, quelque chose qui permet de relier les grands esprits
Bonne continuation