Il y a quelques jours, je suis allé visiter un cimetière. Oui, un cimetière de campagne dans un petit village de quelques centaines d’habitants, où je ne connais personne… Mis à part le Père Lachaise qui est bien plus qu’un simple cimetière, on ne peut pas dire que je me sente à l’aise dans ce genre d’endroit. Alors, quelle idée ?
Tout est parti d’un livre, d’une rencontre : La Plus Que Vive de Christian Bobin. L’hommage d’un poète à celle qu’il a tant aimé…
Je t’aime Ghislaine, il est hors de question de mettre cette parole à l’imparfait, les fleurs sur la tombe de St Ondras, en Isère, ont fané une semaine après l’enterrement, je t’aime, cette parole reste vive et le temps de la dire couvre le temps entier d’une vie, pas plus, pas moins.
Pas gai, hein comme histoire devez-vous pensez ? Et bien si, justement… C’est l’un des bouquins les plus joyeux et les plus vivants que j’ai jamais lus !
Il est question d’une fée, d’une tombe, d’un village en Isère. Pas si loin de chez moi… La lumière m’attire. Je prends la route de St Ondras. Sur la tombe, une photo, un sourire. Et ces mots, gravés sur un morceau de bois : “D’un coeur léger, avec des mains légères, prendre la vie, laisser la vie.” Pas besoin de signature…
Je suis resté une heure sur le parking devant le cimetière, à relire La Plus Que Vive. Un nouveau sourire à chaque page.
Désespoir, amour, gaieté. Qui a ces trois roses enfoncées dans le cœur a la jeunesse pour lui, en lui, avec lui.
Ce n’est pas un livre triste ou nostalgique, c’est un véritable hymne à la vie, magnifié par la plume d’un auteur qu’il faut lire absolument : Christian Bobin.
En rentrant de St Ondras… je suis tombé en panne de voiture ! Après avoir contacté une dépanneuse, j’ai dû expliquer à mon frère qu’il devait venir me chercher (à quelques 80 km de chez lui) parce que j’étais allé visiter un cimetière… il a eu un peu de mal à comprendre ! Le soir-même, j’ai décidé d’écrire à Christian Bobin, pour lui raconter mon aventure, et lui dire à quel point sa Plus Que Vive m’avait touché. Une simple recherche dans les pages jaunes et hop ! Sa réponse m’est parvenue deux jours plus tard…
Merci Cyril Boiron pour votre lettre. Ne lisez pas que moi, tenez : ces deux-là devraient entrer loin dans votre songe : Les amants lumineux de Lydie Dattas et Mama d’Abdelmajid Benjelloun. Je vous souhaite une vie toute éclaircie et je sais que ce souhait sera exaucé car vous êtes d’une grande sensibilité. Amicalement, Christian Bobin.
(Y’a rien là ?!)
Merci à vous, Monsieur Bobin, merci pour tout ce plaisir et toute cette émotion que vous me donnez.
Cet hommage magnifique à une personne disparue m’a ramené à un autre livre qui m’a beaucoup touché : Le Zubial, de l’inévitable Alexandre Jardin. Un ouvrage intime et bouleversant de sincérité, qui éclaire l’existence et le parcours littéraire de l’auteur.
Le jour où mon père est mort, le 30 juillet 1980, la réalité a cessé de me passionner. J’avais quinze ans, je m’en remets à peine. Pour moi, il a été tour à tour mon clown, Hamlet, d’Artagnan, Mickey et mon trapéziste préféré ; mais il fut surtout l’homme le plus vivant que j’ai connu…
Une femme, un père : deux personnages hors du commun qui ont bouleversé deux existences. Deux êtres partis trop tôt, dont la disparition a créé autant de vide qu’elle a réveillé chez ceux qui restent l’envie de vivre plus fort que jamais.
D’où vient que certains êtres nous font mettre plus de vie dans la vie ? Nous donnent le goût d’exister sans mesure, en nous faisant souvenir que nous sommes nés pour tutoyer l’infini ? (Alexandre Jardin, Le Zubial)
Deux livres pour un même message : après la mort, la vie. Quand on perd une personne qu’on aime – qu’elle disparaisse ou qu’elle nous quitte – pour qui sait faire le deuil et avancer, rien ne s’arrête : tout commence. C’était déjà le message de France Gall exprimé dans un coup de blues publié il y a quelques temps…
Tout au long de notre vie, nous quittons et nous sommes quittés : la perte semble être le prix de l’agrandissement de la vie. (Jacques Salomé)
Un homme qui dort, et presque tous les hommes dorment, est riche de son sommeil. Si la grâce lui ouvre durement les yeux, il ne verra d’abord que l’étendue de ses pertes. S’il l’accepte, ce sera pour lui une vraie joie – même si cette joie peut sembler folle. (Christian Bobin – La lumière du monde)
Jardin, Bobin : deux de mes auteurs fétiches, deux références, deux inspirateurs… Moi aussi, j’ai eu besoin d’écrire après avoir perdu quelqu’un. Une “plus que vive” aux élans zubialiesques qui a réveillé ma vie, mes rêves et mes envies – avant de me laisser seul avec ma nouvelle joie de vivre. Après son départ, plus vivant et plus grand que jamais, je n’ai pas écrit un livre : j’ai créé un site web…
Elle s’appelait Manon. Le site s’appelle tout simplement Manon et moi. On y retrouve Jardin et Bobin bien sûr, mais aussi Berger, Balavoine, Goldman, Coelho…
On peut se laisser dépérir dans le manque.
On peut aussi y trouver un surcroît de vie.
(Christian Bobin – La plus que vive)
Bonne visite !